Poésie
Erinnyes
Je sais que toute joie est une illusion, Qu’il faut que tout se paye et que tout se compense, Et je devrais bénir la dure providence Qui m’impose l’épreuve ou l’expiation. Les stériles regrets, la menteuse espérance N’atteignent pas la
Haïkus d’été (pluvieux)
Les nuages accélèrent au rythme du cri du coq de bruyère Issa Le vent cesse l’eau s’égoutte dans les bois chante un coucou Kikaku Si rudement tombe sur les œillets l’averse d’été Sampû Les jours de pluie
À genoux la jeunesse
À genoux la jeunesse à genoux la colère L’insulte saigne menace ruines Les caprices n’ont plus leur couronne les fous Vivent patiemment dans le pays de tous. Le chemin de la mort dangereuse est barré Par des funérailles superbes L’épouvante
Leurs yeux toujours purs
Jours de lenteur, jours de pluie, Jours de miroirs brisés et d’aiguilles perdues, Jours de paupières closes à l’horizon des mers, D’heures toutes semblables, jours de captivité, Mon esprit qui brillait encore sur les feuilles Et les fleurs, mon esprit
Haïkus d’été
Sur le route de Shinano la montagne pèse sur moi – La chaleur ! Issa Les melons ont si chaud qu’ils ont roulé hors de leurs cachette feuillue Kyorai Montagnes au loin où la chaleur du jour s’en
Printemps
Tendre, la jeune femme rousse, Que tant d’innocence émoustille, Dit à la blonde jeune fille Ces mots, tout bas, d’une voix douce : « Sève qui monte et fleur qui pousse, Ton enfance est une charmille : Laisse errer mes doigts dans
Clotilde
L’anémone et l’ancolie Ont poussé dans le jardin Où dort la mélancolie Entre l’amour et le dédain Il y vient aussi nos ombres Que la nuit dissipera Le soleil qui les rend sombres Avec elles disparaîtra Les déités des eaux
La Veuve
La veuve, auprès d’une prison, Dans un hangar sombre demeure. Elle ne sort de sa maison Que lorsqu’il faut qu’un bandit meurt. Dans sa voiture de gala Qu’accompagne la populace Elle se rend, non loin de là, Et, triste, descend
Le Printemps
Le printemps est si beau ! Sa chaleur embaumée Descend au fond des cœurs réveillés et surpris : Une voix qui dormait, une ombre accoutumée, Redemande l’amour à nos sens attendris. La raison vainement à ce danger s’oppose, L’image inattendue enivre
Un jour…
Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants, Passer, gonflant ses voiles, Un rapide navire enveloppé de vents, De vagues et d’étoiles ; Et j’entendis, penché sur l’abîme des cieux, Que l’autre abîme touche, Me parler à l’oreille