Sonnet LXXVI – William Shakespeare
Pourquoi ma poésie est-elle ainsi dénuée des caprices nouveaux, et se garde-t-elle ainsi des variations et des changements subits ? Pourquoi, selon la mode du moment, ne tourné-je pas les regards vers les méthodes nouvelles et les formules étrangères ?
Pourquoi suis-je un écrivain toujours un, toujours identique, et fais-je garder à mon idée son vêtement habituel, si bien que chaque mot dit presque mon nom, en trahissant sa naissance et son origine ?
Oh ! sachez-le, doux amour, c’est que vous m’inspirez toujours, et que vous êtes, avec mon amour, mon unique argument. Aussi, tout mon mérite se borne à habiller les vieux mots à neuf et à faire servir de rechef ce qui a servi déjà.
Car, semblable au soleil qui est chaque jour neuf et vieux, mon amour redit toujours les choses déjà dites.