La conjuration des imbéciles

Le vendeur qui avait autrefois la charge du Quartier portait une curieuse panoplie de pirate, clin d’œil respectueux de Paradise Vendors SA, au folklore et à l’histoire de la Nouvelle Orléans, tentative typiquement clydienne de lier la vente de saucisses chaudes à la légende créole. Clyde m’a contraint à passer ce costume dans le garage. Il avait été taillé pour la charpente phtisique et rachitique du vendeur précédent et nous eûmes beau pousser, tirer, ahaner, rien n’y fit, l’affaire était trop étroite pour mon corps musclé. De telle sorte qu’une espèce de compromis fut nécessaire. Autour de ma casquette je nouai l’écharpe rouge des pirates. J’attachai à mon oreille l’unique anneau d’or – bijou de pacotille qui déparait mon lobe gauche. Enfin, à l’aide d’une épingle de nourrice, je fixai au côté de mon surplis blanc de vendeur le sabre de plastique noir. Pas très impressionnant pour un pirate direz vous. Certes, et cependant, quand j’allais examiner mon image dans le miroir, force me fut de reconnaître que mon apparence avait quelque chose de spectaculaire qui ne laissait pas d’être intrigant.

John Kennedy Toole

Extrait de : La conjuration des imbéciles

Traduction : J.P. Carasso


Publié par : Pierrederuelle
Étiquettes : , , , ,
Previous post
Next post

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *