Un peuple n’a pas de caractère.

 

 

Vous croyez savoir ce que c’est qu’un Français. Mais quand vous aurez, non sans peine, défini la masse française par l’humeur, par la langue, par les œuvres littéraires,par l’architecture, par le mobilier, par un certain genre de sociabilité et de politesse,décidez donc, d’après cela, si cette masse est pacifique ou guerrière. L’un ou l’autre aussi bien ; et je conviens qu’en des dispositions tout à fait opposées ce peuple sera toujours le même en un sens ; comme un homme en colère, ou assuré, ou défiant, ou confiant, est toujours le même homme. Qui aura observé comment cette invincible nature se retrouve la même en des actions tout à fait différentes, en des affections, en des passions opposées, en des pensées médiocres ou profondes, dans le rire, dans les larmes, dans l’enthousiasme, dans le désespoir, comme on peut voir pour chacun et pour soi, celui-là supportera aisément dans le peuple ennemi les mêmes changements, la même richesse ; la même variété, la même instabilité qu’en lui-même. Et je suis assuré qu’un Allemand moyen, quand il pense à la politique européenne, est, dans la durée d’une heure, successivement farouche et pacifique, confiant et désespéré, doux et violent, résigné et obstiné selon ce qu’il lit, entend et imagine, absolument comme nous. Dont le mauvais vouloir fera sortir tout le mal possible. Mais il est temps que la bonne volonté s’y mette aussi.

 

Alain (Émile Chartier)

Extrait de Le citoyen contre les pouvoirs (1926)


Publié par : Margaux
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