Homme-bombe
Non, je n’ai pas d’usine, pas d’outils. Je suis un des rares hommes-bombes. Je dis rares, car s’il en est d’autres, que ne l’ont-ils déclaré un jour ?
Il est vrai, il demeure possible qu’il n’y en ait eu.
Nous sommes obligés à quelque prudence.
« Éclater, ça peut être dangereux, un jour », pense le public.
Après tuer, les caresses. « Qu’il dit, pense le public, mais s’il demeure dans le tuer, s’il s’enfonce dans le tuer » et le public, toujours magistrat en son âme simple, s’apprête à nous faire condamner.
Mais il est temps de me taire. J’en ai trop dit.
A écrire on s’expose décidément à l’excès.
Un mot de plus, je culbutais dans la vérité.
D’ailleurs je ne tue plus. Tout lasse. Encore une époque de ma vie de finie. Maintenant, je vais peindre, c’est beau les couleurs, quand ça sort du tube, et parfois encore quelque temps après. C’est comme du sang.
Henri Michaux
extrait de La vie dans les plis