Septentrion

Nous sommes dans cette chambre, le temps n’a plus de consistance, il fait exagérément chaud, je sens son parfum, je croche mes doigts dans ses cheveux, nos corps se touchent, le bruit liquide de la pluie s’égoutte en un endroit quelconque de la pesanteur irréelle, nous sommes tranquilles, nous ne nous connaissons pas. Nous pourrions etre morts. Il n’y a pas de raison pour que cet engourdissement ait une fin. Nous regardons au dessus de nous, le plafond terne, taché, des mouches qui avancent par saccades. Nous appartenons à ce petit monde cylindrique ossifié d’un après-midi de dimanche pluvieux. Tout se passe comme si nous avions déjà vécu ailleurs ce long apaisement et que, pendant tout le temps de notre éloignement, nous n’avions fait que nous préparer à le renouveler dans nos mémoires. Rien de plus nature à ce que nous soyons allongés côte à côte. Je l’entends respirer. Je mords une mèche de cheveux entre mes lèvres. Quelqu’un referme la porte de l’ascenseur dans l’hôtel. Des voitures passent, le caoutchouc des pneus chuintant sur le goudron humide. L’agitation du dehors ne nous concerne pas.

Septentrion – Louis Calaferte


Publié par : Pierrederuelle
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