Mort d’un jeune homme
Il est mort le beau jeune homme
en allant au rendez-vous
par une belle après-midi d’automne
où le soleil avait des reflets roux
Ses belles dents cassées comme du verre
son front charmant crevé comme un tambour
ses mains blanches déchirées sur les pierres
ses yeux ouverts qui ne voient plus le jour
La belle voiture anglaise
brisée sur les rochers
au pied de la falaise
comme un bateau échoué
Il est mort le beau jeune homme
le tournant était trop court
il suffit de peu de choses en somme
pour tuer un roman d’amour
Et là-bas tout au bout du chemin qu’il suivait
y a la belle fille blonde et les jus de fruits frais
et les disques de jazz et les jambes bronzées
et les lèvres en extase qui sourient au baiser
Mais il y a l’heure qui tourne et la glace qui fond
et puis le téléphone où personne ne répond
et puis d’autres garçon que l’on suit en riant
sans savoir que l’amour a raté le tournant
Il est mort le beau jeune homme
oublié seul sous le ciel
mais déjà les doigts du vent de l’automne
lui ont tissé son habit éternel
Ses belles dents sont devenues des pierres
son front charmant un tertre d’herbe bleue
ses bras tordus comme deux branches de lierre
nouées autour d’un tronc d’arbre poudreux
Des yeux de coquillage
au regard d’eau salée
et plus rien sur la plage
que la mer étoilée
Il est mort le beau jeune homme
immobile aveugle et sourd
dans un geste inachevé qui pardonne
statue de sable
d’algue
et d’amour…
Francis Blanche
Mort d’un jeune homme